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Vérité, mensonge et professionnalisme en relations publiques 1/4

1 – Les relationnistes ne sont pas des avocats (bis)

Le texte de Bernard Dagenais publié dans l’édition du 13 avril 2011 du Regards RP, Est-ce qu’un relationniste peut faire carrière sans mentir?,  a le grand mérite de poser des questions très importantes : notre rapport avec la vérité, nos responsabilités professionnelles face à nos employeurs et clients, à l’intérêt public, à notre profession et à nous-mêmes.  Comme un grand nombre de nos collègues, je me suis senti interpellé.  J’ai voulu prendre le temps d’y réfléchir et de coucher par écrit quelques idées qui sont de nature, je l’espère, à faire avancer la discussion.

Je dois revenir en premier lieu sur cette insistance à nous associer absolument aux avocats ou aux politiciens.  Devons-nous tenter de les imiter, ou modeler notre comportement sur le leur?  Personnellement, je réponds «non ».  Voici pourquoi.n

Mon argument fondamental est le suivant.  Nous ne sommes pas des avocats, ni des politiciens, ni des médecins, des ingénieurs, des arpenteurs-géomètres, des agronomes, des comptables ou des denturologistes.  Nous sommes des relationnistes ou, si vous préférez, des professionnel(le)s en relations publiques. Certains d’entre nous, dont moi, concevons les relations publiques comme une profession en devenir et nous tentons en toutes circonstances de nous comporter comme si la profession était reconnue.

Les relations publiques constituent un domaine de savoir et de pratique distinct.  Nous avons notre propre corpus de connaissances, notre Art a ses règles.  Nous avons une raison d’être, une utilité sociale qui nous est propre et qui est distincte de celle des avocats ou de tout autre groupe professionnel.  Notre responsabilité devant la société découle de cette utilité sociale.  C’est en fonction de ce que nous affirmons être que nous devons définir une morale et une éthique pour les relations publiques et non en nous imaginant que nous ferions un meilleur travail en nous comportant comme des avocats [1].  Il ne viendrait à l’esprit d’aucun avocat de régir sa conduite en fonction du code de déontologie des médecins; ce sont des professions distinctes, ayant élaboré chacune son propre code de conduite en fonction de sa réalité propre.  Pourquoi en serait-il autrement pour nous?

Par ailleurs, je suis loin d’être convaincu que les avocats eux-mêmes endosseraient le genre de conduite qui leur est attribué dans cet article.  L’avocat est un officier de justice qui doit en tout temps soutenir le respect de la loi et servir la justice (article 2.01 du Code d’éthique du Barreau).  Il est astreint à un code d’éthique autrement plus précis et rigoureux que le nôtre où est répertoriée une longue liste d’actions interdites.  En voici quelques exemples : utilisation des procédures pour nuire à autrui, adopter une attitude allant à l’encontre des exigences de la bonne foi, tirer sciemment avantage d’un parjure ou d’une fausse preuve, faire une déclaration en sachant qu’elle est fausse, cacher ou omettre sciemment de divulguer ce que la loi l’oblige à révéler, aider ou encourager un client à poser un acte qu’il sait illégal ou frauduleux.  Ces obligations me semblent peu compatibles avec «la recherche de la confusion et de la désinformation».   Le travail de l’avocat est d’interpréter les lois et les règlements de la manière la plus favorable aux intérêts de son client.  Deux avocats qui représentent des parties adverses peuvent défendre des positions opposées en invoquant chacun des textes de lois; ils se livrent à une joute d’interprétation devant un juge à qui il revient de trancher.  Ces avocats n’auront pas menti ni pratiqué la désinformation.  Si un avocat ment ou abuse des procédures, il contrevient à son code de déontologie.  Est-ce vraiment là une référence valable pour une réflexion sur notre éthique professionnelle?

Pour ce qui est de la politique, c’est un domaine très particulier qui échappe aux comparaisons avec les professions.  Bien que certains persistent à confondre le «spin» politique avec les relations publiques, ce sont deux choses très différentes.  Aussi différentes que peuvent l’être la lutte pour le pouvoir dans une société (ce qui est l’essence de la politique) et l’exercice d’une responsabilité professionnelle dans le cadre d’une profession établie.  Mais cela est le sujet d’un autre article et nous amènerait trop loin de notre préoccupation d’aujourd’hui.

LA SEMAINE PROCHAINE : Qui sommes-nous?

[1]   Voir à ce sujet le texte que je cosignais avec Matthieu Sauvé, ARP, FSCRP, le 17 mars 2010 sur mon blognbsp;: guyversailles.blogspot.com.

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