Le blogue de Versailles Communication

BC 3012 BG

C’est le numéro de la plaque de la voiture des deux voleurs qui m’ont détroussé dimanche après-midi, boulevard du 30 juin, près du marché d’artisanat où je me rendais, en plein centre-ville de Kinshasa.

Les demoiselles de la réception de l’hôtel Venus, aucunement étonnées de ma mésaventure, m’expliquent gentiment qu’un appel aux forces policières est une perte de temps.  «S’ils avaient tiré des coups de feu, là peut-être que oui, mais pour un simple vol…».

Eh bien non, pas d’armes, pas de couteau, ni même de banal bâton.  Juste deux gros costauds mal fagotés et pas rasés qui m’abordent, soi-disant membres de la «sécurité présidentielle» veillant sur la présence possible d’agitateurs à l’approche des élections.  À ma demande, l’un d’eux exhibe une carte avec photo qui pourrait être un permis de conduire ou une simple carte d’identité, allez savoir, les documents les plus officiels dans ce pays sont souvent écrits à la main.  Quand je tente de l’examiner de plus près, la carte disparaît.  Votre passeport?  Je ne l’ai pas, il est à l’hôtel.  Qu’avez-vous dans votre sac?  Un livre, une tablette d’écriture, un crayon, rien d’intéressant.  Dans vos poches?  Un cellulaire payé 40 $ et ma caméra.  Vous avez pris des photos ici?  Nous devons contrôler.   Le ton est inquisitorial, je connais la sensibilité maladive de tout ce qui est forces de polices concernant les photos.  Et dans la poche arrière?  Le porte-monnaie, évidemment.  Il me l’arrache des mains et dans la seconde même, sans jamais cesser de me regarder dans les yeux, il en rafle tout le contenu dans un geste si rapide que mon œil n’est pas  certain de l’avoir saisi.  «Rendez-moi mon argent!»  Tu parles.  Il me dit que je suis impoli, que je devrai les suivre, m’intime l’ordre de monter à l’arrière de leur voiture, pas question évidemment, eux-mêmes y prennent place et déguerpissent, me jettent à la dernière seconde mon porte-monnaie vide comme on lance un os à un chien pour le distraire.  Je note le numéro de la plaque, à tout hasard.

On m’avait prévenu des dangers pour les blancs de passage comme moi.  Quelle morale tirer de cette histoire?  Faut-il pour autant renoncer à toute sortie?  Pas question.  J’en tire cependant de précieuses leçons que j’entends mettre en pratique pour la suite de mon séjour.

Première leçon, avec mon chapeau Tilley, mon petit sac en bandoulière, mes sandales et ma chemise à manches courtes, j’aurais aussi bien pu me promener avec le mot TOURISTE tatoué sur le front.  Il y a plein d’hommes et de femmes blanches qui se déplacent à pied à Kinshasa, j’en rencontre quotidiennement, des enseignants des nombreuses écoles de mon quartier parmi les plus riches de la capitale, des coopérants, des employés des corps diplomatiques, des gens d’affaires.  Comme les gens d’ici, ils ne portent ni shorts, ni t-shirts, ni caméras, ni chapeaux.  Ils se fondent dans le paysage malgré la couleur de leur peau, ils sont visiblement «du pays», ils n’exhibent pas de bijoux ni aucun signe ostentatoire de richesse.

Deuxième leçon, la sécurité réside dans le nombre.  En ce dimanche après-midi, le très large boulevard du 30 juin (huit voies de large avec des trottoirs de deux mètres de part et d’autre) était quasiment désert. Très peu de voitures et de piétons.  Il est douteux que mes deux filous auraient tenté leur coup un jour de semaine, au cœur de cette artère achalandée, où circulent au moins un policier et plus souvent deux ou trois à chaque intersection.  De même, si j’avais été accompagné d’une autre personne, j’aurais fort probablement évité ce désagréable épisode.

Troisième leçon, il faut faire confiance à son instinct.  Mes deux malfrats étaient en civil dans un pays où le moindre gardien de sécurité est en uniforme. Dès la première seconde j’ai senti le danger de la situation et j’aurais dû réagir en conséquence, refuser le contact, fuir.

Ce qui m’amène à ma quatrième leçon, la mobilité est salutaire. En cas de danger, pour éviter les insistants vendeurs de rue ou les escrocs à la petite semaine, il est essentiel de se diriger rapidement, en cas de danger,  vers l’endroit le plus animé à proximité. Quand j’ai été intercepté, j’étais à moins de 50 mètres du marché d’artisanat où tous les vendeurs me connaissent, car j’y fais un pèlerinage à tous les dimanches depuis trois semaines. Ils me détroussent aussi à leur façon en me vendant trop cher leur camelote, mais dans la bonne humeur.  Je suis convaincu qu’ils m’auraient protégé de mes deux bandits, histoire de ne pas perdre l’argent qui leur était destiné.

Cinquième leçon, les abords des sites touristiques et des grands hôtels sont les plus propices pour se faire accoster par des individus de tout acabit.  Lors de mes déplacements pour le travail, c’est toujours au départ de l’hôtel ou de la Maison de France que se manifestent les indésirables.  Ce dimanche d’arnaque, je sortais d’un restaurant fréquenté par des visiteurs étrangers et je me rendais au marché d’artisanat situé cent mètres plus loin, un dimanche après-midi sur le vaste boulevard désert.  Il faut apprendre à se méfier davantage, tout simplement.

Enfin, je suis heureux de la ligne de conduite que je me suis fixé de ne JAMAIS avoir sur moi mon passeport sauf en cas de nécessité; autrement, il reste dans le coffre de ma chambre.  Je me fous des quelques dollars perdus, ils se sont transmués en plaisir d’écriture, ils m’auront tout de même procuré quelque chose.  Mais j’imagine un peu le trouble qu’aurait entraîné le vol de mon passeport, sans parler des méfaits qui auraient pu être commis par son utilisation illicite.

Voilà une petite tranche de vie africaine vécue par un Occidental portant de façon ostentatoire son chapeau Tilly.

Boti kala malam!

(Je pars, restez bien)

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Commentaires

  1. David Millian  octobre 21, 2011

    Guy,

    J’ai bien ri en lisant ce papier. Je me suis revu dans les rues de Douala, Dakar ou d’autres pays d’Afrique… Et je vous imagine si bien avec votre outfit du parfait touriste 😉

    Les enseignements que vous tirez sont tous très bons. Avoir un « fixer »de confiance à ses cotés reste aussi un must dans les pays les plus compliqués. L’Afrique reste néanmoins un fabuleux continent et on y fait des rencontres lumineuses. C’est une très grande richesse et cela permet, je pense, de remettre beaucoup de choses en perspectives lorsqu’on revient en occident. Bref, une leçon de vie…

    Soyez prudents lors de vos prochains déplacements 😉

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