Je résume ici une argumentation développée plus longuement dans un billet daté du 28 février 2010.
Pour que les relations publiques soient éventuellement reconnues comme profession, la société doit leur reconnaître une utilité. Quelle est cette utilité?
La libre circulation des idées est indispensable à la vie démocratique. Pour que les débats aient lieu, il faut organiser les idées et structurer les discours; c’est le propre de la communication. Il faut aussi organiser efficacement la communication entre les organisations; c’est le propre des relations publiques. Ainsi, communications et relations publiques ont une utilité sociale qui s’affirme sans cesse davantage depuis le début du XXe siècle. Si nous réussissons à établir cette utilité, nous pourrons prétendre à un statut de profession.
Cette utilité sociale est au cœur de la définition des RP entérinée par la SCRP : «Les RP consistent en la gestion des relations entre une organisation et ses divers publics par l’entremise de la communication, afin d’atteindre une compréhension mutuelle, de réaliser les objectifs organisationnels et de servir l’intérêt public.»
Voici ce que j’écrivais le 28 février dernier à propos de cette définition :
- « … je crois que l’ordre dans lequel ces trois finalités (compréhension mutuelle, objectifs organisationnels et intérêt public) sont exprimées est très important. Il faut d’abord assurer la compréhension mutuelle et ensuite voir à la réalisation des objectifs organisationnels, l’un ne va pas sans l’autre. Il y va aussi bien de l’intérêt de l’organisation elle-même que de l’intérêt général de la société.
- « Ceci demande une explication. La compréhension mutuelle ne signifie pas l’acceptation réciproque. Elle signifie que l’une et l’autre partie savent exactement à quoi s’en tenir relativement aux idées, aux opinions et aux projets de l’autre partie. La compréhension mutuelle peut parfaitement coexister avec un désaccord fondamental. L’important, du point de vue des RP, n’est pas d’assurer la réconciliation des parties (même si cela est souhaitable); l’important, c’est, d’une part, que chacun sache avec certitude ce que l’autre pense et, d’autre part, que soient maintenus ouverts des canaux de communication efficaces. Car lorsqu’un désaccord survient sur fond de communication franche et honnête, que la communication demeure ouverte et le respect présent, il est possible de circonscrire les effets négatifs au strict minimum, de mettre en place des mesures de mitigation, de discuter de compensation. Si, au contraire, un désaccord survient sur fond de méfiance et de dissimulation, les effets négatifs auront tendance à s’additionner et à s’amplifier en une escalade d’incompréhension et de méfiance pouvant mener à une rupture – et les désordres commencent généralement là où les parties ne se parlent plus. Par désordre, on peut entendre des poursuites, du sabotage, des grèves et des lock-out, des troubles sociaux, une agitation incessante dans les médias, des dommages à la réputation, des pertes de parts de marché.
- « Résumons : l’intérêt du client est que le dialogue prévale toujours sur le conflit, même dans les situations où les intérêts sont diamétralement opposés. Exprimé autrement : autant pour les gagnants que pour les perdants, la diplomatie est toujours préférable à la guerre. En élargissant la perspective à l’ensemble des interactions des organisations entre elles partout dans la société, il découle que l’intérêt général de la société passe par la présence de mécanismes de dialogue qui favorisent la résolution pacifique des conflits et la construction d’opinions individuelles et collectives éclairées.
- « Il n’y a donc pas opposition entre l’intérêt de mon client et l’intérêt public. Mon client a intérêt non seulement à atteindre ses objectifs organisationnels, mais aussi à le faire dans un climat où règnent la compréhension et le respect mutuels, même si la bonne humeur n’est pas au rendez-vous. C’est mal servir mon client que de le laisser se mettre en porte-à-faux avec l’intérêt public en poursuivant une stratégie basée sur la dissimulation, le mensonge et le refus du dialogue, où l’atteinte des objectifs se fait au prix de la paix sociale. Il arrive que ces stratégies livrent des résultats à court terme mais elles engendrent inévitablement une perte de confiance envers l’organisation qui y a recours et qui en subira des conséquences négatives sur le long terme. Et c’est mal servir ma propre crédibilité – et celle de ma profession – que de m’associer avec des pratiques contraires à la fois à l’intérêt public et à l’intérêt de mon client. »
La mission sociale des relations publiques n’a donc rien à voir avec une « obsession de la vertu ». Elle réside plutôt dans la défense vigoureuse des intérêts du client dans le cadre d’une démarche qui vise aussi à préserver autant que faire se peut la paix sociale. Elle entraîne la nécessité de promouvoir les intérêts légitimes de nos clients avec ténacité et même avec pugnacité, mais aussi la nécessité de faire preuve de courage, de conviction et de compétence pour leur expliquer qu’il faut changer d’approche lorsque nous l’estimons nécessaire et pour résister à la tentation des expédients qui sacrifient l’éthique au nom de l’efficacité.
Le professionnalisme exige que l’on garde toujours la tête froide. Même si l’on estime que notre position est juste, même si l’on se croit injustement traité par les opposants et par les médias. Les avocats d’expérience connaissent tous cet aphorisme : «Ne jamais épouser la cause de son client». Ils expriment ainsi la nécessité de garder en tout temps une distance objective entre les émotions et les sentiments que peuvent leur inspirer la cause qu’ils défendent d’une part, et la réalité objective de la situation et des règles du Droit d’autre part. Les avocats savent que le non-respect de cette règle de comportement les expose au risque de perdre leurs repères et de mal servir leurs clients. Ils savent qu’une victoire acquise par des moyens contraires aux règles du Droit et de l’éthique peut rapidement se transformer en défaite. Leur loyauté est claire : elle va à leur client. Mais leur professionnalisme leur dicte des obligations qui balisent leur conduite; ils ne feront pas n’importe quoi pour atteindre les objectifs de leurs clients. Il en va de même pour tous les professionnels, quel que soit leur champ d’activité.
LA SEMAINE PROCHAINE : Vérité et mensonge
JUIN
2011
À propos de l'auteur:
Guy Versailles compte plus de 30 ans d’expérience en communications et relations publiques dans les secteurs public et privé, avec majeure en planification stratégique, relations de presse et gestion de crise. Spécialiste des mandats difficiles